La condamnation, puis l’incarcération de Nicolas Sarkozy dans l’affaire libyenne fait couler beaucoup d’encre et occupe un gros temps d’antenne : éditos, reportages en direct, commentaires de toutes sortes, manifestations, sondages d’opinion, etc.
Nous sommes même tenus au courants des lectures qu’il a prévues pendant son incarcération.




Maintenant prenez le temps d’écouter les propos de ce journaliste :
« La force, la brutalité des faits, elle est où ? »
Ben ouais…
Et, en l’absence de ces faits, il y a des gens qui ont tout loisir de jouer sur l’émotion pour manipuler le public, l’opinion publique. Pour nous manipuler.
J’ai vu passer ce message sur Bluesky et ça m’a fait réfléchir. Je vous invite d’ailleurs à cliquer pour prendre le temps d’écouter l’extrait en entier (un peu plus de 2 min), vu que je vous ai donné une version abrégée.
On se retrouve donc, par exemple, à accorder plus d’attention à l’édition en 2 volumes du Comte de Monte-Cristo qu’à l’attentat du DC-10 d’UTA en 1989…
…
Un long procès.
Sur une affaire très importante à tous les niveaux (de par les personnes accusées, mais aussi de par les implications).
Et peu de médias ont suivi le procès dans son ensemble.
J’avais d’ailleurs vu un autre post, avec des propos d’un autre journaliste allant dans le même sens.
L’article mis en lien, vaut la peine d’être lu. Un journaliste ayant couvert l’affaire, se désole du manque de suivi général. Il fait remarquer que certains racontent n’importe quoi, non seulement sur le fond du dossier lui-même, mais aussi sur des questions de procédure.
« (…) le public n’a pas été mis en mesure de comprendre le jugement final. Je pense que beaucoup de gens se sont dit « Mais elle sort d’où cette décision ? ». Alors que quand on avait suivi les audiences, on pouvait très bien s’y attendre. Et ce qui est aussi scandaleux, c’est les quinze jours de désinformation après le rendu de la décision. »
Je reviens à la formule, du journaliste Fabrice Arfi, que je citais plus haut et que, décidément, j’aime bien : « La force, la brutalité des faits, elle est où ? »
On commente… Mais on ne sait pas ce qu’on commente.
Je repense forcément à ce vieux dicton sur le journalisme (que j’ai sans doute déjà partagé sur ce blog, mais vous allez sûrement me pardonner si je radote un peu) :
« If someone says it’s raining, and another person says it’s dry, it’s not your job to quote them both. Your job is to look out the fucking window and find out which is true. »
Dans notre exemple, il y eu un très long procès. Et un verdict qui fait 380 pages.
Mettons que je m’intéresse à cette affaire, mais que je n’aie pas envie de faire des commentaires sans être au clair sur les faits. Sur les faits dans leur brutalité. Est-ce que je vais lire ces 380 pages de verdict ? Euh… Bof… Et, si je le fais, est ce que je comprendrai ce que je lirai ? J’ai des connaissances juridiques limitées, d’autant plus en droit français. Pas mal de trucs m’échapperont. Et de toutes manières, je n’ai pas suivi l’affaire au tribunal.
Un individu lambda, comme moi, ne peut pas, tout seul, s’informer de manière correcte sur une affaire pareille. On a beau me dire « vérifiez l’info », il y a des trucs qui sont hors de portée pour moi. On n’est pas ici dans un exercice de débunk que n’importe quel internaute peut faire pour vérifier la véracité d’un post sur les RS.
Alors si je veux y piger quelque chose à cette affaire libyenne, j’aurai besoin de gens compétents. Des gens qui auront commencé par prendre connaissance des faits. Et qui seront capables de synthétiser, d’expliquer. Bref, j’aurais besoin de journalistes.

Et j’insiste : j’aurai besoin de journalistes qui soient au courant, qui connaissent l’affaire.
Parce que la mode consistant à balancer des gros commentaires et des gosses analyses sans se donner la peine de s’informer au préalable, c’est éventuellement acceptable au bistrot après la 5ème ou la 6ème choppe de bière quand on cause d’un sujet qu’on aura oublié le lendemain. Mais je pige pas que des gens jouent à ça en public en se donnant un air sérieux.

J’aurai donc besoin des journalistes. Et je devrai pouvoir faire confiance à ces journalistes.
Non seulement ces journalistes devront avoir bossé en amont sur l’info, mais ils ou elles devront avoir l’honnêteté de me rendre compte des faits aussi bien que possible.
S’il n’y a pas à la base un travail sérieux et honnête sur l’information, sur les faits dans leur brutalité, tout ce qu’on me balancera comme commentaires ou analyses ce sera au mieux du bavardage de fin de soirée.
Au pire de la manipulation.
