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Sur les RS : réagir à chaud sur tout et n’importe quoi ou creuser ses sujets ?

Ouais, je sais, présenté comme ça, ça paraît clair. Personne ne va, ouvertement, vous inviter à réagir à chaud sur tout et n’importe quoi.
Sauf que…
Dans les faits, nous sommes nombreux à le faire parfois. Voire souvent. Trop souvent.
Et que nous y sommes poussés de plein de manières.
Tonton Grompf va vous causer ici de harcèlement, d’effet Dunning-Kruger et de solidarité de groupe.
Si, si.

J’ai parfois regretté de publier certains trucs sur les RS.

Ça fait quelques années que je suis actif sur les RS. J’ai traîné dans certains blogs. J’avais ouvert, puis fermé un compte Twitter. J’avais même traîné sur Diaspora à une époque. Et puis j’ai été très actif sur Twitter, obtenant même une certaine audience : plus de 6’000 abonnés, alors que je n’ai aucune notoriété en dehors des réseaux sociaux. Et en parallèle j’ai un compte Mastodon. Et je me suis mis à d’autres RS, prenant mes distances avec Twitter (Bluesky, Threads…). Et il y a ce blog.

Et donc, parfois j’ai regretté d’avoir publié des trucs. Je me suis dit « quel con ! ». J’ai rectifié après-coup, nuancé, effacé.

Et je me rends compte d’un truc. C’est que ce que j’ai eu à regretter, c’était des réactions à la va-vite. Des réactions à chaud, sans creuser, sans prendre de recul, sans vérifier, sans attendre si d’autres personnes avaient des nuances, voire des contradictions, à apporter. Sans connaître le sujet ni avoir fait d’efforts pour le connaître.

OK. Donc c’est simple. Il faut pas réagir à chaud, il faut pas causer quand on sait pas, sinon on risque de dire des conneries. C’est bon, c’est réglé. Fin de l’article.

Je vois pas pourquoi je vous embête avec des évidences.

Sauf que non.

Parce que ça, vous le savez toutes et tous.

Et je le sais aussi. Personne ne m’a jamais dit « Grompf, ouvre ta grosse gueule sur tous les sujets, même si tu n’as aucune idée ! »

Et pourtant.

Je sais pas vous, mais moi je me suis (trop) souvent laissé avoir à ouvrir ma grosse gueule trop vite, avec trop d’aplomb et d’avoir eu des remords par la suite.

Bon, déjà, pour se retrouver dans cette situation, il faut être capable d’admettre qu’on s’est planté. Et il faut être capable d’éprouver des remords. Mais je vais pas trop m’étendre de ce côté-là, ça nous mènerait trop loin.

Mais bon, voilà, j’ai parfois dit des conneries avec un certain aplomb.

Et ça m’est encore arrivé aujourd’hui de regretter certains propos publiés sur Twitter, sur une certaine affaire qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque et qui s’est avérée être bien plus compliquée et nuancée que ce qui ressortait des gros titres et du buzz qui en avait suivi sur les RS.

Et aujourd’hui aussi, je découvre un podcast pas tout récent (décembre 2022) de France Culture : « L’effet Dunning-Kruger ou l’art d’être à l’aise« 

Je vous cite un passage :

Ce biais cognitif s’articule en un double paradoxe : d’une part, la seule façon de se rendre compte qu’on est incompétent, c’est de devenir… compétent ; d’autre part, l’ignorance rend plus sûr de soi que la connaissance. Ce n’est en effet qu’en creusant une question, en s’informant, en enquêtant sur elle, qu’on la découvre plus complexe qu’on ne l’eût soupçonné. On perd alors son assurance, pour la regagner peu à peu à mesure que l’on devient compétent – mais teintée de prudence, désormais.

Il y a pas de miracle. Pour diminuer au maximum le risque de raconter des conneries, il faut creuser un poil.

S’informer. Vérifier. Prendre du recul. Suivre sur la durée. Évaluer la valeur de ses sources. Etc.

OK. Donc c’est simple. Il faut creuser un peu l’info, sinon on risque de dire des conneries. C’est bon, c’est réglé. Fin de l’article.

Je vois pas pourquoi je vous embête avec des évidences.

Sauf que non.

Parce que ça, vous le savez toutes et tous.

Et je le sais aussi. Personne ne m’a jamais dit « Grompf, ouvre ta grosse gueule sur tous les sujets, même si tu n’as aucune idée ! »

Hein ?

Quoi ?

Je me répète ?

Pardon. Bref, vous avez compris, ce sont des préceptes simples, mais qu’on applique pas.

Parce que creuser, ça prend du temps. Et vous ne pouvez pas creuser tous les sujets. Vous ne pouvez pas vous tenir informés sur tout. Vous ne pouvez pas suivre toute l’actu sur la durée.

Alors je vous disais que les trucs que j’ai eu à regretter, c’était des réactions à la va-vite, sans creuser.

Si vous me suivez un peu, vous savez qu’il y a des sujets auxquels j’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie, des sujets sur lesquels je me suis beaucoup exprimés. Et en fait, là, je ne regrette pas ce que j’ai écrit. Non, je pense que sur ces sujets-là, j’ai fait du bon job, j’ai bien parlé et j’ai mérité votre confiance.

Ouaip.

Alors le truc qui m’avait fait gagner pas mal d’abonnés sur Twitter c’était tout ce qu’il y avait eu autour du film (sensé être un documentaire…) « Ceci n’est pas un complot. » J’ai creusé, j’ai vérifié. Et j’ai non seulement mis en évidence des séquences problématiques isolées, mais j’ai aussi repéré des fonctionnements récurrents. Et j’ai comparé certains propos, certaines contradictions, certains double-discours.

Mais ça a été du temps et de l’énergie. Et ça veut dire que j’ai BEAUCOUP traité ce sujet. Pas juste partagé une vague impression. Pas juste commenté une scène isolée.

Du coup ce temps et cette énergie ont été présentés comme un truc suspect. Le réalisateur lui-même a demandé comment est-ce que je pouvais passer autant de temps à débunker son film sans être financé. Curieuse question. Il ne s’est pas demandé comment est-ce que je pouvais trouver autant matière à débunker dans ce qui était sensé être une enquête documentaire… Le fameux « qui vous finance ? » que tous les amateurs de débunk ou de fact-checking ont vu passer un jour. Autre classique auquel j’ai eu droit de la part de certains fans : pourquoi je cause de ça et pas d’autre chose ? Hein ? Pourquoi je cause de ce film et pas des scandales de Big Pharma ?

Et pareil pour ce que j’ai publié sur « Malaria Business« , autre film (sensé être un documentaire…) du même gars. J’ai mis en évidence pas mal de contre-vérités. J’ai rappelé le taff que certains avaient effectué sur le sujet et dont on n’avait que trop peu parlé (les histoires d’études bidonnées notamment). J’ai critiqué le traitement médiatique du sujet (emballement énorme et absence de vérification de l’info et de suivi sur la durée). Et aussi, j’ai comparé les 2 films et le traitement reçu : « Malaria Business », soutenu par les services publics, encensé par la critique, diffusé largement, et « Ceci n’est pas un complot », qualifié de complotiste et très critiqué. Et j’ai relevé à quel point les méthodes étaient similaires. Etc.

J’ai bossé quoi. Et je pense avoir bien bossé.

Et du coup, vu que j’ai beaucoup bossé là-dessus, je me suis pris carrément des accusations de harcèlement et ce genre de trucs.

Et je peux donner d’autres exemples. Je vous avais raconté la première fois que je m’étais lancé dans un long thread sur Twitter, cette histoire d’article pourri, publié par 2 éminents chercheurs en sciences politiques, associés à un éminent chercheur en sociologie…

J’avais là aussi pas mal bossé. J’avais après repéré d’autres « exploits » de la même équipe. Et là aussi, j’avais eu droit à des propos soupçonneux sur mon soit-disant acharnement.

Autre sujet auquel j’ai consacré beaucoup de temps, ce qu’on a appelé « l’affaire Fact And Furious« , affaire qui a fait beaucoup de mal à certaines personnes.

Et là encore, je pense avoir fait du bon boulot. Et là encore, j’ai eu droit à des reproches sur l’acharnement, etc.

Ben oui.

Si vous causez de tout et rien, que vous commentez superficiellement chaque actu, chaque buzz sur les RS, vous allez raconter des conneries ou alors vous limiter à balancer des évidences ou des propos faussement profonds.

Mais si vous consacrez du temps et de l’énergie à un sujet, alors là…

  • « Pourquoi CE sujet ? »
  • « Qui vous paie ? »
  • « Quel est votre intérêt ? »
  • « C’est louche ! »
  • « C’est de l’acharnement ! »
  • « Et puis ceci, vous en parlez pas ?
  • « C’est curieux comme vous vous acharnez sur certains sujets et que vous ne n’en abordez jamais d’autres… »

Alors je sais pas pour vous.

Mais pour moi c’est clair. Les sujets sur lesquels j’ai bossé le plus, sont ceux qui m’ont attiré des accusations d’acharnement, des sous-entendus comme quoi je roulerais pour tel ou tel groupe d’intérêts occulte, etc.

Mais ceux sont aussi ceux dont je retire de la fierté.

Et ceux par rapport auxquels je n’ai pas à avoir de regrets.

Parce que j’ai creusé.

Mais il y a donc pas mal de trucs qui peuvent nous pousser à raconter n’importe quoi, sans savoir de quoi on cause.

Et parmi les trucs vicelards qui peuvent vous pousser à raconter n’importe quoi, il y a ces appels à vous positionner sur certaines affaires auxquelles vous ne connaissez rien. Et c’est vachement vicieux. Parce qu’on vous invite à vous indigner, à faire preuve de solidarité, et c’est tellement grave, tellement impératif, qu’il n’y a pas la place pour la moindre question, pour le moindre recul.

Vous ne pouvez pas creuser, parce que vous devez réagir tout de suite. Vous ne pouvez pas vérifier les infos qui vous sont transmises, parce que ça reviendrait à douter. Vous devez réagir, vous positionner. Vous devez tenir le même discours que les autres, faire preuve de solidarité de groupe.

Vous devez croire.

Vous devez hurler avec les autres.

Tout de suite.

Et oui. Creuser et prendre du recul, ça bouffe du temps et de l’énergie, ce que vous ne pouvez pas faire sur tous les sujets qui font du bruit sur les RS. Et puis creuser, prendre du recul, vérifier l’info, tout ça, ça peut vous amener à douter du discours du groupe. Et vous attirer des emmerdes.

Gueulez avec les autres, tout de suite. Faites un peu de surenchère même. Vous serez plus peinards. Il faut juste apprendre à ne pas avoir de remords pour les conneries que vous allez raconter. Ni pour leurs conséquences.

Et ne vous posez pas non plus trop de question pour savoir qui, avec le recul, mérite votre confiance ou pas, qui vous a raconté des conneries et qui s’est avéré fiable. Ce genre de questions aussi ça attire les emmerdes.

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