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Les mésaventures de Timoteo Buendía Gómez – la vie dans l’Espagne franquiste

Laissez moi vous raconter les mésaventures de Timoteo Buendía Gómez, qui s’est saoulé un soir de septembre 1963 dans un bistrot aux environs de Madrid.

Franciso Franco régnait alors en maître absolu sur l’Espagne.

Pour situer le contexte je dois vous expliquer un truc : les Espagnols jurent et blasphèment beaucoup. Sur le coup de la colère, ils peuvent lâcher des trucs du genre :

  • « ¡ Me cago en Dios ! » (« Je chie sur Dieu »)
  • « ¡ Me cago en la Virgen ! » (« Je chie sur la Madonne »)

Etc.

Ils peuvent aussi utiliser ce genre de formule contre une personne précise :

  • « ¡ Me cago en la puta madre que lo parió ! » (« Je chie sur la putain de mère qui l’a mis au monde »)
  • « ¡ Me cago en la leche que le dieron a mamar ! » (« Je chie sur le lait qu’on lui a donné à téter »)

Si, si, c’est des détails importants, j’insiste.

Donc, le 11 septembre 1963, Timoteo Buendía Gómez, un ouvrier qui bossait comme manœuvre dans la construction, est allé boire des verres dans un bistrot de Leganés, une ville ouvrière dans la banlieue de Madrid.

Il en a bu un peu trop des verres. Beaucoup trop même.

En sortant, il est passé devant une vitrine, dans laquelle il y avait une télévision qui transmettait des images du Caudillo. Timoteo Buendía Gómez, qui s’était donc pris une sacrée murge, s’est laissé aller. Il s’est alors mis à gueuler en pleine rue : « ¡ ME CAGO EN FRANCO ! » (« Je chie sur Franco« ).

Pour ces paroles, le 23 mars 1964, le « Tribunal de Orden Público » l’a condamné à 10 ans de prison.

Dans sa grande magnanimité, le Caudillo accordera sa grâce à Timoteo Buendía Gómez en février 1967.

Je n’ai pas trouvé d’informations précises sur la date exacte de son entrée en prison, ni sur sa date de libération effective.

Mais ça doit faire un truc comme 3 ans de tôle, voire 4.

Dans les prisons de l’Espagne franquiste, dans les années 60.


Si le sujet vous intéresse, et si un texte en espagnol ne vous fait pas peur, jetez un œil à cette interview d’un avocat espagnol, qui a rédigé un bouquin consacré au « Tribunal del Orden Público » sous Franco.


On pourrait faire plein de commentaires sur une anecdote comme ça. Pour ma part, j’ai une petite pensée pour toutes celles et ceux qui rêvent d’un « homme fort » à la tête d’un pays tout en râlant sur le thème du « on peut plus rien dire ».

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