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Comment combattre la désinformation : Tonton Grompf a la solution !

Comment combattre la désinformation ? La question revient souvent dans les médias, dans l’enseignement, dans le monde de la recherche, etc.
Et bien, figurez-vous que Tonton Grompf a la solution !

Je répète donc la question : comment combattre la désinformation ?

Vous occupez un poste dans les métiers de l’information, dans l’éducation, dans le domaine scientifique ou dans une toute autre institution concernée et vous vous posez la question et vous ne trouvez pas de réponse claire ?

Heureusement pour vous, Tonton Grompf est là, et il va vous apporter LA solution.


Il faut donner le bon exemple.


Voilà.

C’est tout.

Merci de m’avoir lu.

Hein ?

Quoi ?

Ça va pas suffire à régler le problème ?

Heu… Ouais. OK. Ça va pas suffire à régler le problème.

Mais c’est indispensable.

Et tant que vous ne donnerez pas le bon exemple, ça ne servira à rien de faire des rubriques de fact-checking dans vos journaux, d’organiser des colloques sur la désinformation ou d’inviter des spécialistes, plus ou moins fiables, du complotisme.

Je vous propose de jeter un œil à cette série de débunks :

C’est précis. C’est clair. C’est vérifiable.

On nous cause d’un documentaire antivax d’apparence sérieuse, mais bourré de fausses infos et de sous-entendus trompeurs.

Allez voir ces débunks.

Et là, on parle de Arte et de la RTS. 2 chaînes de service public.

2 chaînes de service public qui nous proposent tout plein d’initiatives pour lutter contre la désinformation, le complotisme et les fake-news… Mais qui ne voient AUCUN problème à contribuer au financement et à la diffusion d’un documentaire antivax trompeur.

Et c’est pas un cas unique.

Je sors souvent le cas de ce documentaire co-produit par la RTBF et co-financé par France Télévision, diffusé à grande échelle et couvert d’éloge par plein de grands médias, « Malaria Business ».

Fil Twitter sur « Malaria Business »

Une même information pourrie sera vue comme une « fake-new » à débunker ou comme une « révélation » intéressante selon qui la professe. Si, si.

Fil Twitter sur « Malaria Business »

« Malaria Business », documentaire trompeur et manipulateur, portant sur un sujet de santé grave, était donc proposé sur la plateforme Lumni, liée à l’Éducation Nationale et aux médias public français. Lumni est sensée fournir des ressources pédagogiques aux enseignants. Et c’est un coup de gueule de « Sonic Urticant » qui semble avoir mis fin au scandale.

Lumni ne propose donc plus « Malaria Business » comme matériel pédagogique aux enseignants et aux étudiants.

Super.

Lumni propose cependant toujours « Des vaccins et des hommes ». Ce film complotiste et trompeur est donc considéré comme du matériel pédagogique par l’Éducation Nationale et par l’audiovisuel public français, comme le met en évidence Alexander Samuel.

« Des vaccins et des hommes » sur la plate-forme Lumni.

(17 mars 2024 – EDIT : J’apprends que Lumni a supprimé le documenteur « Des vaccins et des hommes » de sa plate-forme. Merci à celles et ceux qui se sont bougés, en particulier « Sonic » et Alexander Samuel.)

Donnez le bon exemple.

OK, ça ne suffira pas. Mais c’est indispensable.

Se faire des grosses théories sur comment sensibiliser les lycéens à la question du complotisme, tout en recommandant à leurs enseignants des documentaires complotistes en guise de documentation, c’est un jeu de cons.

Soyez rigoureux sur l’information que vous diffusez. Commencez par là. Faites cet effort. Commencez par être exemplaires avant de vouloir faire des grosses théories.

« Canal Détox » sur Lumni

Et puis on pourrait causer aussi de la question des experts de plateau TV, dont l’expertise résulte souvent d’une auto-proclamation.

J’aime bien ce petit passage d’un article du Guardian, consacré au mythomane Stéphane Bourguoin, qui avait défilé dans les médias en tant qu’expert en sérials killers. Stéphane Bourguoin a été démasqué par un collectif, « 4ème Œil » ayant diffusé des vidéos de débunks sur YouTube.

« What lies beneath: the secrets of France’s top serial killer expert » – The Guardian

À l’automne 2019, 4ème Oeil a commencé à contacter des médias et des diffuseurs français. « Ils ne nous ont pas pris au sérieux », se souvient Charles. « Parce qu’après tout, il s’agissait de Stéphane Bourgoin. » Après quelques mois d’efforts infructueux, 4ème Oeil a décidé de publier ses découvertes par ses propres moyens, dans une série de compilations vidéo longues, détaillées et particulièrement énervantes, sous le titre Serial Mytho. (Aucun membre du groupe n’avait d’expérience dans la réalisation de vidéos et ils les ont postées sur YouTube sans tambour ni trompette. « Nous n’allons pas nous voiler la face, les vidéos étaient plutôt horribles », a déclaré Charles. « Nous ne savons même pas comment les gens les ont trouvées.

Ce petit détail comme quoi le collectif avait tenté d’alerter des médias français, en vain, avant de se décider à sortir eux-mêmes l’info, je le trouve particulièrement croustillant…

Demandez-vous qui sont ces grands experts que vous faites défilez sur vos plateaux ou dans vos rédactions. Vérifiez. Faites preuve de rigueur.

Et là je cause des médias.

Mais il n’y a pas que les journalistes dans la vie.

Parlons santé et recherche scientifique.

Je refais un petit rappel sur un article de « Science » sorti récemment. Ça nous parle donc de quelques individus qui, de leur propre initiative, se sont engagés dans la lutte contre la désinformation sur le Covid et ont, notamment, contribué à dévoiler les manipulations menées par Didier Raoult.

M. Raoult affirme que ses détracteurs sont des « stalkers » et des cyberharceleurs qui n’ont pas compris le fonctionnement de la loi biomédicale française. Il affirme qu’il a respecté les règles éthiques et qu’une grande partie des recherches incriminées ont porté sur des « déchets humains » – tels que des matières fécales – qui ne sont pas définis comme des recherches biomédicales par la loi française.

Mais les manquements à l’éthique ne sont « pas contestés » au sein de la communauté scientifique, affirme Philippe Amiel, avocat spécialisé dans l’expérimentation humaine. Les autorités sont au courant des problèmes de l’IHU depuis des années, ajoute Karine Lacombe, spécialiste des maladies infectieuses à l’université de la Sorbonne. Si elles avaient agi plus tôt, dit-elle, « le tableau de la pandémie en France aurait été totalement différent ».

Une enquête criminelle sur l’institut de Raoult est en cours. Mais ses détracteurs se demandent pourquoi les institutions françaises ont mis tant de temps à s’attaquer aux violations systémiques à l’IHU, laissant à un groupe persistant de personnes extérieures le soin d’enquêter sur l’institut et de faire pression pour que des mesures punitives soient prises. Ils se demandent également si M. Raoult et l’institut seront tenus de rendre des comptes pour le large éventail de manquements qu’ils ont allégués. « C’est un énorme gâchis », déclare M. Lacombe.

(Vous trouverez aussi un article en français dans Le Point, sur cette histoire.)

Pendant des années, les autorités sanitaires et le monde de la recherche ont laissé faire, alors que ça se savait. Et quand la pandémie a éclaté et que Raoult s’est mis à raconter et à faire ouvertement n’importe quoi, ce sont des individus isolés, souvent agissant sur leur temps libre et sans soutien, qui ont dénoncé les supercheries.

Et certains des lanceurs d’alerte sont visés par des plaintes pénales lancées par Raoult et financées par l’IHU de Marseille.

Alors, elles ont quelle gueule ces mêmes autorités sanitaires et universitaires à lancer des grandes réflexions sur la lutte contre la désinformation, si en même temps elles n’en font pas un minimum en matière d’exemplarité ?

Donnez le bon exemple.

Ça ne suffira peut-être pas, mais ça sera déjà beaucoup.

Et surtout, sans un minimum d’exemplarité en la matière, vos belles théories sur la désinformation ressembleront à un prêche sur la vertu donné le dimanche matin à l’église par un curé que les paroissiens ont vu sortir discrètement du bordel la veille au soir…


Complément :

Au sujet du débunk du documentaire « Des vaccins et des hommes », les auteurs nous proposent un texte, avec toutes les informations et les liens :

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